Par Benoît Rittaud.
(et le jury du Climathon)
Le jury du Climathon se réjouit de constater que, à l’approche de la COP21, les compétiteurs de la propagande climatique ont définitivement tourné le dos à toute retenue et n’hésitent plus à piocher dans les meilleures méthodes coercitives du siècle dernier. En proposant cette fois-ci carrément de constituer un fichier des climatosceptiques, le vainqueur de cette semaine réhabilite en effet les pratiques si couronnées de succès à l’époque bénie de certains régimes disparus.
La radio d’État France Inter donnait ce dimanche une fois encore la parole à deux personnalités aux opinions diverses raisonnables sur la question climatique, à savoir Corinne Lepage et Bruno Latour. À la fin de l’émission, c’est la première, Corinne Lepage, qui s’est illustrée par des propos chocs, de nature à clouer sur place les autres concurrents et à s’arroger sans contestation possible le titre de vainqueur de la semaine 45 du Climathon. Ces propos, les voici (à réécouter là, à partir de 1h27′) :
Le journaliste : Bruno Latour nous rappelait tout à l’heure qu’il n’y a qu’en France qu’on trouve des climatosceptiques à l’Académie des sciences. On en trouvait aussi à France Télévisions, puisque le groupe a décidé de licencier son monsieur météo pour un livre climatosceptique. En droit, est-ce que l’avocate approuve cette décision et, ensuite, est-ce que c’est pas le risque de faire des martyrs qui iront hurler au terrorisme intellectuel et qui se diront victimes des intégristes climatiques ?
Corinne Lepage : Alors, je suis pas une spécialiste du droit prud’homal, je suis publiciste, je ne sais pas si c’est une cause réelle et sérieuse de licenciement, je ne me prononcerai vraiment pas sur ce point-là. La question que vous posez alors sur l’Académie des sciences, très franchement, c’est une habitude. L’Académie des sciences, elle trouvait que l’amiante c’était vachement bien, que les dioxines ça ne posait aucun problème en 2013… en 1993. Quand j’ai commencé à m’attaquer au sujet en 1996, on m’a dit « mais pourquoi vous vous occupez de ce sujet, l’Académie des Sciences a dit qu’il n’y avait aucun problème » ! Donc, je dirais que c’est une constante, cette affaire-là. Mais c’est un peu tristoune, je suis bien d’accord avec vous. Bon. Le deuxième sujet, c’est la question de la liberté d’expression. Moi je suis un grand défenseur de la liberté d’expression, dès lors, s’il y a des gens qui ont envie d’être climatosceptiques, c’est leur affaire. Je pense quand même qu’à un moment donné du temps, il va falloir tenir un registre très précis de tous ceux qui se seront prononcés et qui auront agi dans un contexte climatosceptique, pour que dans quelques années ils portent la responsabilité au moins morale de ce qu’ils auront fait.
Le journaliste : Pour en faire quoi, de ce registre ?
Corinne Lepage : Pour que les choses soient claires.
Le journaliste : Pour les condamner, à terme, quand même…
Corinne Lepage : Pas les condamner juridiquement, mais qu’ils portent la responsabilité de leurs propos, parce qu’on ne dit pas n’importe quoi n’importe comment. Qu’on ait émis des doutes il y a 20 ans ou 25 ans, soit. Quand on voit aujourd’hui ce qui se passe en Islande, ce qui se passe dans le Bordelais, ce qui se passe partout sur la planète, et de dire « ben non, il n’y a pas de changement climatique », il faut arrêter, quand même, à un moment donné du temps.
Le journaliste : Cette responsabilité engage la problématique du crime environnemental, ou pas ?
Corinne Lepage : Je pense qu’un jour on y viendra. Alors dans la déclaration des droits de l’humanité, on a pris le choix de ne pas proposer le Tribunal Pénal International de l’Environnement et de la Santé, que personnellement je défends activement. Mais on ne l’a pas mis, parce qu’on s’est dit que la société n’était pas mûre pour l’accepter – la société internationale. Mais on y viendra. Là, je ne suis pas dans le juridique. Je suis au moins dans le moral.
Liberté, liberté ! Liberté d’expression pour les uns, et liberté de constituer des fichiers… pardon, des « registres » pour les autres. Accessit en passant pour le journaliste de l’émission pour avoir bien montré le fond de sa pensée en relançant Corinne Lepage sur l’utilisation du registre en question : « pour les condamner, à terme, quand même… » Ne voilà-t-il pas de beaux lendemains qui chantent ?
Si Corinne Lepage nous lit, qu’elle sache que le fichier qu’elle appelle de ses vœux est en cours de constitution et regroupe déjà plus de trois cents membres. Les climatonégationnistes qui ne sont pas encore sur la liste sont bien entendu invités à écrire à collectifdesclimatorealistes@gmail.com.
Les accessits de la semaine
L’Association Fast for the Climate n’avait pas encore retenu l’attention du Jury du Climathon. Cet oubli est enfin réparé. Son concept est simple : ne pas manger pendant 24 heures le premier jour de chaque mois. La page d’accueil du site précise que chacun peut jeûner à sa façon, car c’est l’intention qui compte et « qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire » : « certains font un jeûne carbone, en se passant de productions ou d’émissions » (le jury se perd en conjectures sur la réalisation pratique de cette privation individuelle d’émission de carbone, qui impose, en toute rigueur, l’arrêt complet de la respiration). Le jeûneur débutant dispose même d’un petit tutoriel du jeûne, riche de précieux conseils comme :
« Utilisez les ressentis de votre corps pour vous rappeler l’utilité de votre jeûne, concentrez-vous sur les raisons de jeûner plutôt que sur les sensations de faim. »
Car la raison du jeûne est évidente : « Jeûner a fait du changement climatique une réalité pour moi, m’a ouvert les yeux et m’a rapproché de mes prochains », a ainsi déclaré un haut-gradé du jeûne à destination des mal-comprenants.
Naturellement, la coïncidence avec la COP21 n’a pas échappé à ces grands esprits qui profitent de l’aubaine pour lancer le trois mille six cent vingt-septième Appel pour la Sauvegarde de la Galaxie. Le 1er décembre, qu’on se le dise : « Ensemble pour le climat, jeûnons pour le changement ! » Avec ces précisions :
« Nous invitons à jeûner de nourriture le 1er décembre prochain en lieu et place des petits- déjeuners et déjeuners, afin d’exprimer notre faim d’action de la part des gouvernements, notre volonté et notre détermination à agir nous-mêmes. Ainsi, nous dirons la nécessité de parvenir, d’ici au milieu du siècle, à des modes de vie, à des sociétés et à des économies décarbonées. »
Histoire d’avoir une chance de convertir de nouveaux adeptes, l’Association n’appelle donc qu’à un jeûne de deux repas, une action coup-de-poing qui va certainement faire trembler les Grands de ce Monde. Enfin, gage du sérieux de l’opération (s’il en fallait encore), afin d’éviter que la fin du jeûne ne soit l’occasion d’une orgie incontrôlée source d’émissions massives de carbone, le Jeûne pour le Climat à Paris « tiendra une grande rupture conviviale de jeûne en partenariat avec l’initiative Bon pour le climat, dont des chefs cuisineront un repas végétarien, local et de saison, et proposera aux jeûneurs des pistes d’action post-COP21″.
Bien sûr, ces actions fortes sont validées par le soutien de Nicolas Hulot, envoyé Spécial du Président de la République pour la Protection de la Planète et Commandeur des Croyants.
Comme dans toute entreprise de propagande qui se respecte, les enfants sont appelés à la rescousse pour amener la petite dose d’émotion susceptible de faire vibrer les cœurs les plus endurcis. Et en la matière, pour la COP21, c’est du massif. Comme on s’en souvient, l’Éducation nationale française leur avait déjà concocté un bon programme pour que leur tête bien faite soit également bien pleine, mais il s’agit maintenant de rameuter ces « enfants soldats », de donner la parole à cette jeunesse climatique nouvellement formée.
Libération, jamais en retard d’une opération de manipulation information neutre et objective sur le climat, nous fait ainsi une petite synthèse des actions entreprises pour que les jeunes de 9 à 21 ans, « ceux que l’on n’entend jamais mais qui sont les premiers concernés », et, comble de l’injustice, qui « ne sont pas conviés » à la COP21. Heureusement, un sommet climatique sera consacré à la jeunesse, la COY11 (attention aux prononciations tendancieuses), qui devra rassembler 5000 participants du monde entier. Un projet émeut particulièrement Libération : « Les enfants ont quelque chose à vous dire » qui consiste à ce que les jeunes envoient des lettres pour interpeler les chefs d’États qui se réuniront pour la COP21. On comprend très vite l’impérieuse nécessité de recueillir leur opinion, tant celle-ci est éloignée de celle des adultes. En effet, ils « s’inquiètent pêle-mêle de « l’exploitation irrationnelle de l’Amazonie », des émissions de gaz à effet de serre, de la pollution de l’air, des océans et des sols. Ils redoutent les catastrophes climatiques, les épidémies, les guerres et la raréfaction des espèces animales et végétales que le réchauffement climatique pourrait entraîner. »
Toutes choses qu’on n’avait jamais entendues. Ce qui n’empêche pas Libération de constater avec effarement que « ce qui domine chez les plus jeunes n’est pas la compassion pour les ours polaires ou les dauphins, mais bien la peur de l’avenir ». Curieux, en effet, que les messages apocalyptiques matraqués depuis vingt ans par les médias ne conduisent pas nos chères têtes blondes à l’optimisme. Pour les rassurer, Libération enfonce le clou avec un autre article, « Maux d’enfants », qui nous apprend, entre autres chiffres gravissimes, que 88% des maladies liées aux changements climatiques frappent des moins de 5 ans. On admirera la précision au pour cent près.
De son côté, France Info a accueilli 1000 collégiens pour présenter un livre blanc qu’ils ont conçu, qui compile leurs solutions contre le réchauffement climatique. Venu du Liban, Ibrahim a une solution originale, fruit d’une longue réflexion scientifique, qui peut certainement sauver la planète : « faire pousser des potagers sur les toits plats de Beyrouth et du Liban, pour lutter contre le réchauffement climatique et manger de bons produits locaux ». Il va falloir en planter des potagers, ne serait-ce que pour compenser les émissions en CO2 du trajet en avion dudit Ibrahim…
Ouest France relate la virée parisienne de jeunes filles de 11 à 15 ans, organisée par le « HubRep’R », un bidule dont la mission était de prendre à l’iPad des « clichés concernant le réchauffement climatique et l’écologie ». Ces jeunes filles très inspirées ont ainsi pu prendre des poubelles qui débordent en photo, et montrer des diaporamas aux gens pour les sensibiliser. Ce sera sûrement très efficace.
Les médias ont été saisis d’une véritable émotion devant les résultats d’une étude américaine. Ainsi, 20Minutes s’alarme : « Fera-t-il bientôt trop chaud pour faire l’amour ? ». L’étude rapporte en effet une baisse particulièrement significative de 0,7% de la natalité neuf mois après des chaleurs particulièrement élevées. Devant l’ampleur du phénomène, il y a clairement de quoi s’inquiéter : « le réchauffement climatique menacerait donc la reproduction ». Il suffit d’ailleurs de regarder les chiffres pour constater que la population africaine est en voie de quasi extinction par rapport au reste du monde… Le Point, qui n’hésite pas à reprendre aussi cette révélation de première importance, espère évidemment que, à quelques semaines de la COP21, « cette information pourrait amener les citoyens à s’intéresser davantage au réchauffement climatique ». Le réchauffement climatique, c’est jusque sous la couette.