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Climathon, semaine 40 : à travers les éléments (et la presse) déchaînés

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Par Benoît Rittaud.
(et le jury du Climathon)

KatNL4422 credits Stephan Schmitz via Flickr ( (CC BY-ND 2.0)

KatNL4422 credits Stephan Schmitz via Flickr ( (CC BY-ND 2.0)

Semaine un rien paradoxale pour la propagande climatique, avec certes des assauts redoublés de la part des meilleurs, mais menés avec une excessive confiance en soi. Or au Climathon comme dans n’importe quelle compétition de haut niveau, le pêché d’orgueil ne pardonne pas.

N’est-ce pas, monsieur François Hollande ? Vous avez cru, lors de votre intervention à la tribune de l’ONU, emporter facilement le titre en affirmant carrément que les « dérèglements climatiques » causent des tremblements de terre :

« Et puis pendant ce temps-là, il y a des catastrophes, des tsunamis, des tremblements de terre, des îles qui vont bientôt disparaître, des côtes qui sont recouvertes, des glaciers qui fondent ; ce sont les dérèglements climatiques. »

(NB : le « pendant ce temps-là » se réfère aux secondaires conflits au Proche-Orient.)

Croyez-vous donc le jury amnésique ? Vous avez déjà, pour les mêmes propos, emporté le titre en semaine 9 ! N’espérez donc pas gagner deux fois avec le même exploit, si remarquable fût-il.

N’est-ce pas, messieurs-dames du Journalderéférence, qui avez cru bon de sucer la roue du vainqueur de la semaine dernière en publiant l’immondice le tract la thèse complètement délirante très sérieuse d’un historien qui use des analogies les plus honteuses comparaisons les plus suggestives entre réchauffement climatique et nazisme, avec les climatosceptiques dans le rôle que l’on imagine ? Le jury vous concède que cela donne une image sublime du niveau de la presse française — Le Monde est en principe autre chose que Slate —. Le modèle français de droiture intellectuelle et journalistique peut bien nous être envié. Mais tout de même, le jury ne pouvait décemment pas attribuer le titre à ce nouvel exploit, manifestement à la remorque de celui de la semaine 39.

Le Journalderéférence a bien tenté une autre percée avec cette « question » sur un lien éventuel entre les intempéries du Sud de la France et le réchauffement climatique, qui a même été pendant quelques heures en une de son site internet :

LeMondeIntemperies

Là encore toutefois, la rhétorique employée dans l’article évoquait beaucoup trop celle employée l’an passé dans un autre article au sujet d’un épisode cévénol (certes avant la création du Climathon) où l’auteur, hélas incapable de faire le moindre rapprochement véritablement probant entre catastrophes naturelles et réchauffement changement dérèglement bouleversements climatiques, reposait encore et encore la question de ce lien éventuel à chaque fois qu’il apparaissait dans son article que la réponse était « non ».

Bref, de belles choses que tout cela, mais déjà vues. Pour marquer sa désapprobation devant un manque d’originalité qui confine à la paresse, le jury décide donc cette semaine de récompenser un compétiteur qui sait rester humble. Un modeste artisan de la propagande qui sait nous faire déguster le sentimentalisme le plus abject de façon à la fois simple et sincère. Il s’agit de Pierre Radanne, qui dans un billet paru dans Les Échos des 2 et 3 octobre, a su se faire poète à l’échelle du monde. Comme tout poème, celui-ci ne se commente pas mais se lit. On le savoure, on s’en imprègne, et l’on en devient meilleur.

Radanne40

Les accessits de la semaine

climathon rené le honzecDans la grande série des « Ces sera encore bien pire que tout ce qu’on prévoit », Les Échos (encore eux) nous ressortent cette semaine les dangers du septentrion lointain et mystérieux sous la forme d’un article au titre apocalyptique mesuré : « Climat : la grande menace du permafrost ». Conformément à la loi du genre, l’article débute par une plongée dans des contrées hostiles aux noms imprononçables (A Umiujaq (prononcez Oumiak)), où les indigènes, eux, sont proches de la Nature :

« Avant, la saison de la pêche sur glace commençait dès la mi-octobre. Maintenant, il faut attendre au moins la mi-décembre et c’est devenu plus dangereux, car la glace est moins épaisse », témoigne Nellie Tookalook, professeur d’inuktitut (le langage inuit) de son état. Charlie Tooktoo, l’un des anciens de la communauté, ne dit pas autre chose.

Puis arrive l’Homme civilisé, incarné par le chercheur français et sa petite troupe de doctorants et de post-doc, sans oublier le généreux mécène (fondation BNP Paribas). Et ce n’est qu’à ce moment-là, bien sûr, que la Vérité éclate :

Lorsque la chaleur de l’air est suffisante (et elle l’est de plus en plus souvent dans l’Arctique), cette glace des profondeurs fond et se transforme en eau liquide. Ce qui réveille les bactéries, qui se mettent alors à manger le carbone contenu dans les éléments organiques pour le rejeter ensuite sous forme de dioxyde de carbone (CO2) ou, plus rarement, lorsque le milieu est privé d’oxygène, de méthane (CH4). Or CO2 et CH4 sont les deux principaux gaz à effet de serre, responsables du réchauffement.

L’Homme civilisé invoque des formules magiques inaccessibles au commun des mortels : (« [il] évoque le chiffre de 1.700 pétagrammes (1015 grammes) » ), les rend concrets (« Si la totalité du carbone contenu dans le pergélisol était transformée en dioxyde de carbone par les bactéries, la teneur en CO2 de l’atmosphère en serait triplée ») et montre combien il est en avance sur son temps (« Dans son dernier rapport, le GIEC ne tient même pas compte de la présence de carbone dans le pergélisol », se désole le chercheur du CNRS).

Une rétroaction positive plus tard, l’article conclut sur l’inévitable-petite-phrase-qui-tue : « Pas étonnant que l’Arctique s’emballe ! »

Tremblez donc, braves gens, en entendant ces formules magiques qui écraseront les misérables humains que vous êtes : Chazam ! Hocus pocus ! Pergélisol ! Bactérie mangeuse ! Virus géant ! Quantité colossale ! Énorme potentiel de réchauffement !

Malgré la débauche d’énergie déployée par nos médias, les sondages sont cruels, les jeunes Français semblent se tamponner joyeusement le coquillard mal cerner les enjeux de la COP21, dont il semblerait qu’elle n’ait « pas beaucoup de sens » pour eux. Après une analyse poussée de ce surprenant constat, Les Presse Universitaires de France (qui avaient beaucoup à se faire pardonner du jury pour avoir osé publier La Peur exponentielle) en tirent une remarquable conclusion : les « négociations internationales laissent peu de place aux jeunes ». Ils organisent donc un challenge à destination des étudiants pour « simuler les processus de négociation onusienne » afin qu’ils s’approprient cette COP21. Nul doute que des vocations de climatologues vont naître ! On attend avec impatience le même type d’exercice pour que les lycéens puissent s’approprier le conflit syrien dont ils semblent également quelque peu se désintéresser.

Le sondage n’a malheureusement pas été étendu à d’autres catégories d’âges. Pour que tous se sentent néanmoins impliqués, le JDD décline le programme familial, en (re)mettant une petite couche sur la future disparition de nos amis les bêtes avec un article au titre évocateur, « les animaux souffrent en silence », qui ne laissera pas d’attendrir les cœurs les plus endurcis. Inventivité, créativité, bref tous les ingrédients sont au programme pour émouvoir toute la sphère familiale. La biodiversité est menacée, la sixième extinction des espèces est en vue… Certes le JDD reconnait que les causes sont diverses, « la destruction des habitats, pollution, utilisation massive de pesticides, chasse parfois » mais c’est comme de juste « Un cocktail destructeur qui est plus que jamais boosté par le changement climatique ». Et, outre le brave ours polaire « bientôt privé de banquise », le JDD ajoute une petite touche locale pour être sûr de ratisser large, car cela arrive aussi près de chez nous, avec le discret bouvreuil pivoine en passe de disparaître.

Les préparatifs de la grande fête de fin d’année s’achèvent dans la liesse. Les promesses de dons affluent pour ce Climathon exceptionnel et ce sont ainsi plus de 140 pays qui ont annoncé leurs engagements de réduction d’émissions de GES. Alléluia la planète est sauvée, ou presque ! Car, bien sûr quelques ONG, qui s’érigent en nouveaux maîtres de la classe, les grandes consciences morales du siècle, distribuent les bons et mauvais points. Greenpeace adresse quelques admonestations à l’Inde, par exemple, qui a le mauvais goût de vouloir assurer son développement à grands renforts de charbon. La fondation du Commandeur des Croyants s’insurge également. Disons-le, sans carbone, la fête est plus bonne.

Une subtile régression linéaire du premier ordre permet ensuite, de manière précise, de faire la conversion de ces grandes annonces en degrés, et hop, on arrive à une future hausse de seulement 2,7°C de la température. Record battu, on plonge enfin en dessous des 3°C pour la première fois. Un nombre très précis donc, annoncé sans aucune incertitude, dans la grande tradition des sciences sondagières de nos médias. Il ne reste plus qu’à préciser que le nombre d’or climatique (2°C) est encore loin. Et donc que de longs et pénibles efforts, financiers notamment, sont encore nécessaires.

Mais que d’efforts déployés pour en arriver à ces grands succès diplomatiques ! Notre président a ainsi dû remettre la main à la poche pour ajouter 2 milliards de dollars à la corbeille. N’est-ce pas là le moins que puisse faire un président exemplaire ! Il faut dire que les 100 milliards d’aides promis de manière annuelle aux pays pauvres tardent à se concrétiser. Notre Président Bien-aimé doit donc justifier cette petite rallonge par un argument fort en forme de question : « l’humanité est-elle capable de prendre la décision de préserver la vie sur la planète ? ».

Sans doute pour équilibrer le budget national suite à cette dépense compulsive, le Président Hollande a semble-t-il décidé de réduire le poste financier consacré aux frais de bouche. 20 Minutes nous apprend ainsi qu’il a du « manger des déchets » à l’ONU en compagnie d’autres chefs d’États. Difficile de suivre le fil, dans ce gloubiboulga journalistique, mais on croit comprendre que ce menu concocté par des grands chefs (tout de même) indignés par les conséquences du gaspillage alimentaire sur le réchauffement climatique, était composé de « hamburger végétarien fait à partir de pulpe de fruits pressés accompagné de frites de maïs riches en amidon qui sert normalement à nourrir les animaux ». On ne saura cependant pas en quoi il s’agissait de déchets, leurs ont-ils servis des aliments périmés ? Malgré tout, cet article nous livre une image forte à savourer sans modération : « si les déchets alimentaires étaient un pays… [ce serait] le plus gros émetteur après la Chine et les États-Unis ».

Une exclusion

Comme il se doit, la chaîne météo profite de la COP21 pour réaliser une série sur le réchauffement climatique. Mais dès les premières minutes, c’est la consternation qui saisit le téléspectateur ! À l’opposé du consensus habituel de bon aloi, la chaîne ose annoncer que « les activités humaines ne sont pas forcément responsables à 90% du réchauffement climatique, tel qu’on veut nous le faire croire ».

Quelle honte ! Oseraient-ils répéter cela devant un enfant plein de larmes après avoir été victime d’une tempête ?

Exclusion ! Exclusion immédiate et définitive de la chaîne Météo, indigne de sa mission de propagande ! Comment a-t-elle osé s’opposer aux douces et légitimes injonctions de Laurent Fabius, telles que rapportées par cet autre traître à la cause qu’est Philippe Verdier (fort justement dénoncé par Télérama) ?

La suite est un pitoyable festival dont le jury se doit pourtant de faire le triste inventaire justifiant l’exclusion. Le propos commence par pointer les divergences entre les différents modèles numériques utilisés par le GIEC, rappelant qu’on utilise toujours les pires scénarios, alors qu’en 2015 nous sommes « au niveau le plus bas du scénario bas retenu par le GIEC ». Les scénarios du GIEC ont « leurs faiblesses » car ils ne sont basés que sur les émissions de CO2, et pas assez sur les variabilités naturelles du climat, ce qui n’est « pas crédible ». Pour enfoncer le clou, c’est tout simplement un exemple « frauduleux » qui est donné, celui de la superficie de la glace en Antarctique, qui est identique aujourd’hui à celle de 1971, contrairement à « ce qu’a voulu nous faire croire le National Geographic » cet été. Et pour clôturer en beauté, la chaine météo annonce un possible refroidissement dans les prochaines décennies du fait des cycles solaires, qui sera « peut-être en partie compensé par les activités humaines ».

Espérons que le Commandeur des croyants ne nous appellera pas, pour la COP42 de 2036, à laisser le moteur allumé pour réchauffer un peu la planète afin de sauver les dromadaires d’une inévitable congélation.

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